A l'heure où l'on commémore le 30e anniversaire du génocide au Rwanda ainsi que l'assassinat des 10 casques bleus de Flawinne, un documentaire relatant ces faits vient d'être diffusé sur France 5 : "Rwanda, désobéir ou laisser mourir ?" c'est son titre, a été réalisé avec la collaboration d'un ancien commando de Flawinne en mission pour l'ONU au Rwanda au moment des faits. 30 ans plus tard, Freddie Bouquelloen nous livre son sentiment sur ses événements tragiques.
"Dès le premier jour, notre vie était en danger. Quand on a commencé à tirer, quand l'obus est arrivé dans le poste de commandement. C'était un nuage de poussière et on s'est cherché, on s'est essuyé les yeux, on a mis son casque et on a armé notre fusil."
Le contingent de Flawinne était sous le commandement de l'ONU. Il était donc composé de casques bleus dont la mission était de maintenir la paix et de ne répondre par les armes qu'en cas de légitime défense. Si l'ONU vous avait autorisé à recourir à l'utilisation de vos armes parce que la situation sur place avait clairement changé et que vous étiez face à un génocide qui se mettait en place, que vous étiez vous même en danger, si votre mandat avait changé, étiez-vous en capacité d'intervenir, d'interférer dans le déroulement de ce qui se passait et éventuellement d'empêcher l'ampleur de ce génocide ?"
''Ça, c'est une question que je me pose depuis 30 ans et je ne sais pas répondre à cette question parce que la situation était à ce point complexe, qu'on ne savait pas où on allait. Alors si on avait changé les règles de comportement, si on avait changé l'emploi des armes, si on avait permis des mitrailleuses... je ne sais pas."
"Je ne me sens pas coupable !"
Aujourd'hui, avec le recul, vous sentez-vous coupable de ne pas avoir fait le maximum ? Ou est ce que vous vous dites : moi, en tant que militaire, je me suis conformé aux ordres. En rentrant en Belgique, sur le tarmac de l'aéroport, des militaires ont quand même tailladé leur béret devant les caméras.... Donc je me dis que certains portaient quand même une souffrance avec eux en rentrant.
"C'est encore une question pertinente. Moi je dis toujours : il y avait l'émotionnel, l'émotionnel par exemple de taillader son béret. Et ensuite, il y a le rationnel. Lors des événements, j'étais tellement occupé. Occupé notamment à régler des problèmes d'autres personnes en difficulté, d'autres camarade. Par exemple, j'ai été chargé de remettre en route un réseau radio qui était tombé en panne. Non, je ne me sens pas coupable. Je ne les ai pas abandonnés. Je n'ai pas de regret et je me sens incapable de dire si on avait fait ça, ce ne serait pas arrivé. Je me dis aussi que nous sommes 30 ans après. Normalement, l'émotionnel doit avoir évolué et passé peut être vers le rationnel. J'ai entendu il n'y a pas longtemps, quelqu'un qui disait : "moi, je serais intervenu, j'aurais fait ça..." Mais j'avais envie de lui répondre : "Etudions la carte de Kigali, les endroits où tous les gens étaient. C'est bien le pays des 1000 collines. Et quand il faut traverser une cité de 1.000.000 d'habitants pour aller soi disant délivrer d'autres personnes, ça fait réfléchir. Il fallait contourner, mais contourner par où ? Donc ça, c'est ce que j'appelle le rationnel."
"Cessons de pleurer !"
Aujourd'hui, vous diriez qu'il faut avoir un discours de paix, qu'il faut cesser de remuer les événements parce que ça ne sert à rien. Il faut tourner la page ?"
Alors je ne vais pas dire qu'il faut tourner la page. Je salue les organisations patriotiques qui, chaque 7 avril, organise la cérémonie du souvenir devant la caserne de Flawinne. Je les salue et je les félicite. Mais moi, j'y suis jamais allé. Non, je ne vais pas dire qu'il faut tourner la page, il faut continuer à se souvenir. Mais il faut que ça rentre dans l'histoire. C'est un fait d'histoire aujourd'hui, un fait malheureux, je le dirai 10 000 fois, mais cessons de pleurer et tirons en les conclusions."